Ces derniers temps, les paquets de lait, à peine exposés aux rayons des grandes surfaces ou autres épiceries du coin, sont vite raflés et disparaissent en un temps record. D’aucuns vont vite en besogne en évoquant la pénurie de cette denrée essentielle aux familles et consommateurs habituels. Sans parler du renchérissement notable des produits frais qui en découlent : yaourt, beurre, fromage… Pour en savoir plus, nous avons pris contact avec M. Ali Klebi, président de la centrale laitière de Mahdia et membre du Bureau exécutif de la Conect.

Le paquet de lait demi-écrémé se fait de plus en plus rare, voire introuvable dans le commerce, peut-on parler de pénurie de ce produit vital ?
Pénurie ? C’est trop dire, je crois qu’il serait plus juste d’évoquer un manque de lait, lequel manque est dû essentiellement à une baisse de l’offre du lait industriel. Cette baisse est de l’ordre de 15% et son origine réside dans le fait que le producteur —donc l’éleveur— n’est pas bien rémunéré et peine à rentrer dans ses frais d’élevage qui sont énormes. En fait, la forte dépréciation du dinar tunisien et les répercussions directes sur les prix des aliments du bétail ont démotivé les producteurs dont le nombre est de l’ordre de 112.000 éleveurs dans tout le pays .Rappelons dans ce contexte qu’ils produisent 1,4 milliard de litres de lait par an.
La consommation en équivalent par tête d’habitant est de l’ordre de 120 kg. Au Maroc, par exemple, elle est de l’ordre de 70 kg par habitant. C’est dire l’importance de ce secteur et il serait injuste de ne pas rémunérer ces 112.000 producteurs à leur juste valeur. Toutefois, le pays a toutes les possibilités d’être exportateur de cette matière et non importateur pour peu qu’on sache motiver ces producteurs en évitant de brader le lait payé en dessous de ce qu’il doit être.
Il faut impérativement régler cette question du prix actuel. L’activité de l’élevage n’est plus stimulante ni motivante pour l’éleveur, tenté plutôt par le bradage de ses bêtes. La politique d’encadrement des prix adoptés à tort par le gouvernement est à l’origine de ce problème récurrent. La solution se situe au niveau de la libéralisation des prix pour que cette filière reprenne son élan souhaité, à l’instar de ce qui se passe dans tous les pays du monde.

Peut-on alors craindre une éventuelle hausse du prix du lait commercialisé ?
La hausse du prix de lait à la consommation est inéluctable, si l’on cherche vraiment à garantir la pérennité de la filière dans son ensemble. La majoration ne devra pas être inférieure à 200 millimes par litre, soit une charge supplémentaire de l’ordre de 6 dinars pour chaque famille et par mois, sachant que chaque famille consomme en moyenne à peine 1 litre de lait par jour.

L’on a déjà remarqué l’enchérissement des prix des produits dérivés du lait : yaourt, fromage, beurre…
Vous avez entièrement raison, sauf qu’i faut mentionner qu’il y a perte dans l’industrialisation et l’offre du lait de boisson et que l’on s’évertue à trouver un certain équilibre financier en misant sur les produits cités qui représentent pour nous 50% de nos chiffres d’affaires. Dans ce contexte, je dois rappeler que déjà deux unités laitières ont mis la clé sous le paillasson en fermant boutique et en libérant leurs employés, faute dudit équilibre financier.
Pour compenser un éventuel déficit, l’on a été obligé de majorer les produits frais susmentionnés. N’eut été le créneau des produits frais, on aurait fermé, nous aussi, depuis belle lurette.

Avez-vous pensé à remettre le bouchon sur le paquet mis en vente. Pourquoi cette économie de bouts de chandelle? C’est très incommodant pour le consommateur d’ouvrir le paquet sans bouchon.
On a recouru à cette mesure à contrecœur et c’était loin de nous faire plaisir : ce bouchon incriminé nous coûte 20 millimes, ce qui représente environ notre marge bénéficiaire au litre vendu. Remettre ce bouchon est très facile, pour peu qu’on rentre dans nos frais.

C’est connu : la région de Mahdia est considérée comme un bassin laitier d’importance. A quoi attribuez- vous ce succès ?
En effet, Mahdia est aux premières loges dans ce domaine. Le secret de cette percée en matière de production laitière est à attribuer aux sociétés mutuelles qui se prévalent d’une riche expérience et constituent donc un atout indéniable. L’expérience ne fait que conforter cet élan, mais il faut mentionner aussi le type d’élevage familial adopté dans la région. Nous pensons que moyennant une meilleure motivation des éleveurs, Mahdia occupera les meilleurs rangs en tant que bassin laitier d’importance.

Propos recueillis par Moncef AMMARI

Laisser un commentaire